Le dialogue et l’échange
Voici un petit article, extrait de la postface du Tome 2 de la formation à distance, qui traite de l’importance du dialogue et de l’échange dans la consultation BaZi.
•
Tout au long de ces deux Tomes de la formation, j’ai souvent insisté sur l’importance du dialogue et de l’échange dans la pratique de l’Art chinois de 8 mots. Ce dialogue tient en deux choses.
La première est l’écoute du praticien.
La seconde est l’ouverture du consultant.
•
En amont de la consultation nous préparons la carte de naissance du sujet et nous l’étudions, seul, c’est incontournable. Ce que nous devons faire dans cette étude préliminaire c’est créer des schémas, noter des pistes, établir des possibilités, des potentialités. Nous dressons un portrait-robot de la personne, avec de grands traits de personnalité. Mais le véritable visage de cette personne ne pourra vraiment se révéler que durant l’entretien, dans l’échange et le dialogue. C’est extrêmement important de conserver cela à l’esprit sinon nous risquons de cristalliser une image dans notre esprit de praticien qui nous influencera ensuite et faussera l’analyse et l’échange.
Depuis le début nous avons indiqué que l’Astrologie chinoise BaZi ne fait pas partie de la famille des arts de la Divination (Bo) mais de celle des arts de la Destinée (Ming). Cela vaut pour son aspect oraculaire (Prévenir), mais aussi pour l’analyse de la personnalité (Comprendre), ainsi qu’en matière de conseils à apporter (Équilibrer). Autrement dit, nous ne pouvons pas “deviner” la personnalité du consultant.
En amont de la consultation, nous créons un portrait à grands coups de pinceau, c’est une illustration mais ce n’est pas la réalité. Cette réalité nous ne pourrons l’expérimenter que lorsque nous serons avec le ou la propriétaire de la carte de naissance. Pour faire une autre correspondance, en amont nous dessinons un paysage, un panorama tel que nous l’imaginons, mais nous ne pourrons arpenter ce pays que lorsque nous serons en présence de la personne, lorsqu’elle nous invitera réellement dans ce paysage. Cela change l’approche du BaZi car les sentences, les formules traditionnelles, ne sont que théoriques, la réalité c’est l’actualisation de ces théories par l’échange entre êtres humains.
C’est notre écoute qui va permettre de passer de ce portrait technique à celui qui reflètera réellement l’individualité de notre consultant. La forme que les éléments de la carte prennent, leur équilibre et leurs rapports, ne peut être observée que par une communication attentive et empathique. Et c’est encore notre écoute qui nous permettra de conseiller et de prévenir.
J’ai fait plus d’une consultation d’au moins deux heures où je n’ai finalement parlé qu’une demi-heure. J’ai surtout écouté et ainsi j’ai pu comprendre la carte que j’avais sous les yeux. C’est assez fréquent et cela fait déjà beaucoup de bien.
Il y a quelques mois, un homme d’une quarantaine d’année m’a demandé une consultation. Lorsque quelques jours avant notre entretien j’ai monté la carte pour l’étudier, je me suis rapidement aperçu que le Maître du Jour YI, Bois Yin était proprement gigantesque et qu’il bénéficiait en plus de solides Ressources Eau. C’était une structure tranchante très forte. Une analyse succincte et technique de la carte m’indiquait que cet homme était enclin à l’individualisme et peut-être à la solitude. Un individu entêté, qui n’écoute pas les autres, ne les prend pas en considération et peut faire preuve d’un manque de respect envers son épouse (cf. Cours 07). En observant un peu plus précisément, j’ai pu voir que ce MJ YI était le seul représentant du Bois Yin dans les 4 piliers et qu’il était accompagné par énormément de Bois Yang, JIA, Jie Cai, Voleur de Richesses, Compétiteur. C’était la particularité de la carte. Cette déité, lorsqu’elle est à ce point défavorable pour l’équilibre, est traditionnellement associée à une personnalité impulsive et compétitive, qui peut prendre des risques pour elle et ses proches. Il peut s’agir d’un individu désordonné, manquant de loyauté et se montrant égoïste (cf. Cours 12).
J’étais pressé de rencontrer cette personne car il m’avait été envoyé par une amie proche dont la sensibilité et l’intelligence ne font aucun doute pour moi, elle m’en avait un peu parlé et en termes très élogieux, me décrivant un homme doux, généreux, peut-être même trop dévoué. Ce portrait semblait en opposition avec ce que décrivait l’analyse classique. Nous sommes restés plusieurs heures ensemble à discuter sur la base de son thème BaZi et de ses Da Yun. Je l’ai écouté et bien au-delà de ce qu’il exprimait oralement. Il se révèle effectivement être un homme qui soutient toute sa famille, il est proprement dans le sacrifice pour les siens, pour son épouse qui en a grand besoin, pour ses enfants, pour ses parents, pour ses amis proches et même pour ses collègues. Cette personne tend à s’oublier totalement, orientée vers les autres. C’est la forme qu’a pris le Voleur de Richesses chez lui : le partage total, dans l’abnégation. Solitude oui, mais non par la manifestation que j’attendais.
•
Si je vous décris cet exemple c’est parce qu’il illustre très bien la différence qu’il peut y avoir entre l’enseignement classique ancien et la réalité d’un BaZi pratiqué dans l’actualisation de cet enseignement, de nos jours, dans notre société moderne si complexe et dans l’échange. Ceci ne diminue en rien l’importance de la tradition. Nous l’avons évoqué déjà dans la formation, l’enseignement ancien nous a été transmis sous la forme d’adages et de formules car c’est précisément cette forme qui lui a permis d’être conservé et de parvenir jusqu’à nous. La transmission est protégée par une sorte de gangue dont il faut l’extraire, avec en plus, concernant ces arts chinois, la barrière de la langue et les imperfections inhérentes aux traductions. Je reste intimement persuadé que ces sentences traditionnelles n’ont comme objectif que celui de nous faire comprendre les principes d’interprétation et qu’elles n’ont pas lieu d’être appliquées telles quelles, sans réflexion. Nous commençons tous ainsi, en appliquant les règles, mais si nous pratiquons avec de l’intelligence et du cœur, nous dépassons assez vite cette approche.
Nous ne pouvons deviner la personne, nous ne pouvons que l’accompagner dans l’échange, l’écoute, l’empathie… L’altérité. C’est par ce biais que se révèle la carte de naissance que nous étudions.
C’est ainsi que nous devons faire notre expérience, forts de notre savoir mais sans certitude, fiers de notre maîtrise mais humbles face à l’humain.
Cependant, nous ne sommes pas seuls lors d’une consultation. C’est là où l’ouverture du consultant est aussi importante que l’écoute du praticien.
Certains viennent nous voir par curiosité. Curiosité qui peut se manifester par un test. Ils désirent se rendre compte objectivement si cet art chinois possède une réelle efficience ou si c’est encore une autre discipline divinatoire qui, pour eux, ne se base que sur de vieilles superstitions. Ça aussi vous allez en faire forcément l’expérience, il faut d’ailleurs en faire l’expérience. Cela arrive notamment quand nous proposons, pour nous entrainer, de faire l’analyse des cartes de nos proches alors qu’ils n’ont finalement rien demandé. Ce ne sont pas des expériences très agréables et c’est d’autant plus désagréable lorsque quelqu’un que l’on ne connaît pas nous contacte pour une consultation avec ce type de démarche fermée. Pour le dire simplement, ces personnes veulent qu’on les devine !
Il y a une correspondance que je fais pour mettre en exergue la stérilité d’une telle attitude, c’est la consultation avec un médecin. Lorsque nous allons voir un praticien de médecine, il nous pose invariablement cette question : “Alors, qu’est-ce qui vous amène ?”. Imaginez qu’on lui réponde “Ah non ! Trop facile. Je ne vous dirai rien, c’est à vous de deviner, c’est vous le médecin !”. Ce serait stupide non ? C’est pourtant cela que représente la démarche de certaines personnes. Normalement on consulte le BaZi pour faire un bilan, envisager des pistes d’équilibre et obtenir conseil, y compris sur ce qui se profile. Si on reste sur une posture de défiance nous n’obtiendrons qu’un panorama général qui ne sera pas très profond, c’est bien dommage.
Dans notre pratique, il ne faut absolument pas rentrer dans ce jeu de devinette. Nous n’avons rien à démontrer, rien à prouver ! Nous nous devons d’accueillir ce type d’attitude avec philosophie et bienveillance car après tout nous pouvons aisément la comprendre. Il nous faut essayer de faire en sorte que la personne s’ouvre, de manière à ce que la consultation lui soit bénéfique, quelle que soit son intention première. C’est notre attitude juste et professionnelle qui aidera à corriger celle de notre consultant.
Pour ce faire nous avons un moyen, c’est la pédagogie.
Pour éviter que la personne ne reste sur une position trop sceptique dans laquelle la vigilance légitime tourne à la suspicion et bloque l’échange, nous devons expliquer les fondements de notre art. Sans aller trop loin au départ, présenter d’une manière générale les principes de la métaphysique chinoise, la structure des 4 piliers, l’instant de la naissance cartographié par les 5 éléments et les rapports de ces éléments, permettent de déplacer la relation dans un contexte culturel neutre par rapport à lui. Il faut expliquer le paradigme de l’Art du BaZi en mettant l’accent sur le symbolisme. Il y a de fortes chances, pour ne pas dire une certitude, que la personne venue nous consulter avec cette démarche trop critique se montre plus ouverte et commence à participer, ne serait-ce qu’en posant des questions. Comprendre est le plus souvent la clé la plus efficace pour s’ouvrir.
À mon sens, cette démarche pédagogique nous devons d’ailleurs l’adopter pour toute consultation, même si la personne arrive avec la conviction sincère d’obtenir conseil. Nous parlons de l’importance du dialogue or, pour dialoguer, il faut parler un tant soit peu le même langage. Depuis plusieurs années maintenant, lorsqu’une personne prend rendez-vous pour une consultation, je lui envoie un document pdf nommé “Ce qu’il faut savoir…” (…avant d’aborder son thème BaZi). Ce document est d’ailleurs, depuis peu de temps, téléchargeable à partir de la page d’accueil du site ekayana.fr. C’est un contenu que j’ai conçu pour que les futurs consultants connaissent les bases de notre art et de la métaphysique chinoise en général. Ce qui y est expliqué l’est en termes simples, sans ésotérisme et de manière pragmatique. Bien entendu il ne s’agit pas de former, cela ne va pas très loin, mais c’est suffisant pour que nous puissions parler la même langue. Le grand avantage est aussi celui de ne pas perdre trop de temps lors de la consultation.
Car, pour moi, il est hors de question de se placer comme un “sachant”, soi-disant capable de décrire la personnalité de quelqu’un et sa Destinée, de manière unilatérale. C’est tout simplement impossible car dans ce cas il ne s’agit pas de pratiquer l’Art chinois de 8 mots. On ne le dira jamais assez, le BaZi est un art de la Destinée. La Destinée est un chemin, une voie, aux multiples ramifications et les itinéraires que l’on peut y emprunter sont très divers. C’est la personne qui se trouve devant nous qui arpente ce chemin et qui en a déjà fait un bon bout depuis sa naissance. C’est elle qui l’expérimente, fait des pauses lorsqu’elle le veut, prend des décisions d’actions, de directions, presse le pas ou ralentit… Sans l’échange, son parcours reste inconnu pour nous, nous ne pouvons Comprendre et sans Comprendre nous ne pouvons ni Équilibrer, ni Prévenir. C’est la raison pour laquelle l’écoute du praticien est si importante dans l’art du BaZi et c’est pourquoi l’ouverture du consultant l’est tout autant.
•
Grâce au biais de la pédagogie, de l’écoute et de l’échange, nous pouvions arriver à entrer véritablement en résonnance avec la personne qui consulte. La pédagogie, l’explication des principes et des raisons techniques qui nous font proposer telle ou telle piste lui permettent de comprendre et de s’ouvrir. A partir de là, elle commence à participer activement à la consultation sans se contenter de recevoir, elle interprète et propose en fonction de ce qu’elle connait d’elle-même et de son expérience de vie. C’est alors à nous, praticien, de recevoir, de recueillir, par l’écoute empathique. Nous faisons entrer ce témoignage dans notre analyse et nous pouvons alors proposer des pistes et des solutions plus précises. Il s’en suit un véritable échange, une harmonie qui résonne dans l’esprit de chacun, praticien et consultant. C’est par cette interactivité que la personne va pouvoir trouver elle-même les perspectives les plus justes qui vont lui permettre de s’équilibrer et d’équilibrer ses relations au monde et aux autres.
•
Cela ne se passe pas toujours de manière aussi idéale, mais c’est vers quoi il faut tendre. L’Art du BaZi est un accompagnement et celui-ci ne peut se faire que dans le dialogue et l’échange, avec altérité et générosité. Alors, avec ce que vous avez étudié pendant ces deux Tome 1 et 2 de la formation classique, croyez-moi, vous avez toutes les cartes en main pour vous lancer dans des consultations qui permettront d’aider vos contemporains. Il faut juste de la pratique. Ne gardez pas pour vous tout ce savoir, faites-en profiter les autres, vos proches et les moins proches. N’ayez pas peur de vous tromper. Si vous adoptez la bonne démarche, au sein d’une attitude humble et généreuse, dans le dialogue et l’échange, vous ne pouvez tout simplement pas vous tromper totalement.
Aucun commentaire