Événement / État d’esprit
L’Astrologie chinois Ba Zi, l’Art chinois des 8 mots, est un art de la Destinée.
L’application traditionnelle de base de cette discipline consiste à déterminer quel sera, ou quel fut, le “destin” d’une personne, ce qu’elle vivra et quels seront les événements majeurs de sa vie, même s’il n’est pas non plus possible de décrire des situations précises car ce n’est pas un art divinatoire.
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Présenté ainsi cela semble très réducteur. Le BaZi, pratiqué de nos jours, nous aide surtout et dans un premier temps à décrypter la personnalité d’un sujet, d’apprécier ses atouts et ses faiblesses (Comprendre). Cela permet de conseiller cette personne, dans l’échange, de l’orienter vers des pratiques, des postures et des états d’esprit qui peuvent l’aider à s’harmoniser elle-même et à harmoniser ses relations avec l’extérieur, ses proches et les moins proches (Équilibrer). En dernier lieu, l’Art du BaZi peut apporter, si le sujet le souhaite, une projection sur l’avenir en étudiant ce qui se profile, pour se prémunir d’éventuelles périodes non propices ou au contraire, pour profiter au maximum des opportunités qui semblent se présenter prochainement (Prévenir).
8 mots pour Comprendre, Équilibrer et Prévenir.
Sachant qu’on ne peut Équilibrer sans Comprendre et qu’on ne peut Prévenir sans savoir comment équilibrer.
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Cependant, la tradition chinoise nous présente souvent les choses de manière évènementielle. Les chinois sont incorrigibles sur cet aspect, prévoyant le nombre d’enfants qu’aura une femme dans sa vie, la meilleure période pour un mariage ou prédisant une baisse de prospérité, voire pire. C’est surtout le cas en ce qui concerne les interactions de Branches que sont les clashes, les blessures, les destructions, les punitions, en interne dans la carte ou en externe, c’est-à-dire par l’entremise d’un Da Yun, d’un Yun Nian ou autre Xiao Yun. Ces formations sont très souvent expliquées grâce à des exemples où la personne subit une situation d’origine extérieure. Situation qui est inscrite dans ses quatre piliers.
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Prenons le cas des blessures.
Les enseignements classiques stipulent qu’une blessure se produit toujours d’une manière inattendue. Elle arrive par le côté et est souvent la conséquence de l’interférence d’un tiers. Ses implications sont d’ordre émotionnel et ne s’effacent que très lentement. Il y a pratiquement toujours un sentiment de trahison et de profonde injustice, un coup dans le dos, et l’origine de la blessure paraît souvent, en premier lieu, imputable à quelqu’un d’autre que le sujet.
Lorsqu’elle est en interne, une blessure préfigure, dans la carte de naissance, d’un événement douloureux (émotionnel, relationnel, trahison, injustice…), qui se déclenchera particulièrement dans les phases de vie que représentent les piliers inclus dans la formation de blessure. Ainsi, une blessure impliquant les BT de l’année et du mois peut indiquer que celle-ci se déclenchera dans la jeunesse. Si ce sont les BT du mois et du jour, la période délicate sera celle de l’âge adulte, et dans le cas où la blessure implique l’heure et le jour, ce sera durant la maturité ou en fin de vie que cet événement aura lieu.
Par expérience, nous pouvons voir facilement que cette approche est très perspicace. Il n’est pas question ici de rejeter ces enseignements traditionnels car nous pouvons, par la pratique, en vérifier le bien-fondé.
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Cependant, nous pouvons aussi avoir une démarche un peu plus actuelle, en abordant les interactions de BT internes comme des propensions psychologiques à se mettre dans des situations de la nature de ces collisions (clashes, blessures, destructions…).
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Restons sur les blessures.
Les Maîtres d’hier et d’aujourd’hui nous indiquent qu’une blessure arrive par le côté et qu’elle est, de fait, inattendue. Mais ils nous enseignent aussi que rien n’arrive par hasard et par une unique cause et que les blessures sont complexes comme l’est la vie en général. On ne peut voir arriver une blessure souvent parce que nous ne voulons pas la voir. La cause d’une telle situation de trahison, de la part d’un tiers, est aussi imputable à un manque de vigilance, à une tendance à prendre pour acquis ce que nous possédons et à penser que rien ne changera. Ce dernier point est bien de l’ordre de la psyché et non de l’événementiel. C’est un peu comme après la fin d’une relation, avec le recul, nous nous apercevons que nous avions bien conscience au fond que cette relation n’était pas équilibrée. Nous avions perçu bien des choses mais nous ne voulions pas réellement les voir et elles se sont retournées contre nous.
Classiquement, il est aussi enseigné qu’une blessure est le fruit d’un comportement passé qui n’était pas adéquat.
C’est une notion importante de la formation de blessure interne, qu’il faut comprendre et intégrer. Il y a une propension à ne pas faire front, à ne pas voir ce qui se présente par le côté et à désirer que les choses demeurent sans changer. C’est un état d’esprit, un trait psychologique et une tendance qui se caractériseront par des relations et des événements décrits dans la formation de blessure. Il y a bien un caractère événementiel mais aussi un fond psychique et comportemental. Les deux s’autoalimentent.
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Nous sommes ici dans la double approche de l’Art du BaZi, entre la Destinée, qui prédétermine des événements, et le libre arbitre, qui nous permet de “faire avec” et d’utiliser cette base de naissance de manière plus indépendante.
Destinée et comportement sont les deux faces du BaZi.
Il n’est pas question de rejeter la tradition qui enseigne une approche événementielle mais de conserver ce double regard, classique et moderne, circonstanciel et psychologique.
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Dans ces interactions de BT que sont les blessures, les destructions et aussi les punitions, il y a souvent quelque chose de l’ordre du cercle vicieux. Concernant les blessures internes, il y a un sentiment de trahison et ce sentiment influence le comportement du sujet. Ce comportement est mal accepté par l’entourage qui réagit en conséquence. Les relations que le sujet entretient avec l’extérieur ont donc tendance à confirmer le sentiment de trahison et à exacerber un comportement qui nourrit à nouveau la situation. Ce peut être sans fin et cela peut effectivement mener à un événement concret, douloureux et injuste, qui marque profondément et ne fait que cristalliser le sentiment de trahison.
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En dehors de l’événementiel, les blessures internes représentent des perturbations psychologiques qui peuvent aller de la simple déprime chronique à la dépression profonde. Comme d’habitude, cela dépendra de ce que la personne en fait et de sa capacité à transformer ce trait de caractère et à le maîtriser jusqu’à, peut-être, en faire une force et une qualité.
Les piliers impliqués par la formation de blessure vont nous indiquer les phases de l’existence qui seront particulièrement concernées, comme nous l’enseigne la tradition. Il est fort probable qu’alors un événement notable se déclenchera pendant cette période. Mais les piliers représentent aussi des domaines relationnels et ceux-ci sont très intéressants à observer. Une blessure entre l’année et le mois concernera certainement les relations les plus sociales de l’existence, les activités et les rapports à la communauté. Entre le mois et le jour, cela pourra impliquer particulièrement la sphère professionnelle en rapport aux relations conjugales. Entre le jour et l’heure, les parties les plus intimes pourront être touchées, le(la) conjoint(e), les enfants, les résultats des actions… La blessure interne se manifestera alors dans le contexte des piliers concernés, de manière événementielle ET psychologique.
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Tout cela reste vrai pour les interactions externes.
Encore une fois, tout dépend de l’approche de l’Art du BaZi que nous adoptons. Il est possible que pendant une période qui apporte une blessure (Da Yun par exemple), nous ayons des expériences difficiles, teintés de déloyauté ou d’hypocrisie avec une personne de notre entourage qui profite d’une situation. Dans ce cas nous sommes dans une optique événementielle. Mais il est aussi tout à fait possible que pendant la durée du pilier transitoire, nous ayons uniquement un sentiment de déloyauté, d’injustice et que nous jugions une relation fourbe ou hypocrite, sans qu’il n’y ait d’événement majeur nous le confirmant. Cela est une approche plus psychologique du BaZi et de la situation de blessure.
Les deux perspectives sont à prendre en compte et, comme nous l’avons vu, elles peuvent s’alimenter mutuellement.
Si en plus l’interaction apportée par le pilier transitoire vient actualiser une formation en interne ou s’ajouter à celle-ci, il conviendra d’être particulièrement vigilant pendant cette période. Que ce soit concernant nos relations factuellement mais aussi notre état d’esprit intérieur.
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Ce rapport ténu entre l’événementiel et le comportement, entre le circonstanciel et la psychologie, entre une situation concrète et un état d’esprit, nous le trouvons finalement dans un pan des enseignements classiques. Lorsque les Maîtres et professeurs nous parlent des formations de punitions (ou pénalités), ils sont beaucoup moins dans l’événement que dans la description d’un trait de caractère.
Le concept de cercle vicieux, que nous avons vu au sujet des blessures demeure très présent. On peut même dire que les punitions, dans toutes leurs formes, sont particulièrement emblématiques de ce processus d’auto-alimentation. Le rapport entre Destinée et libre arbitre est très ténu au sujet des pénalités.
Les classiques chinois, très influencés par la notion de Karma, par la loi de cause à effet, indiquent qu’une punition est le résultat d’événements ou de manquements passés. Elles sont les conséquences de nos actes qui, à l’aide de conditions spécifiques réunies, se déclenchent au bout d’un certain délai. C’est le principe même du Karma. Mais dans le cadre de notre vie actuelle, indépendamment du Karma, cela reste de l’ordre de l’événementiel.
Dans une approche plus séculière et plus psychologique, nous pouvons aussi aborder les différentes punitions de manière relationnelle. Il peut y avoir un événement extérieur au départ mais ce qui compte est la relation que le sujet entretient avec cet événement et l’état d’esprit que cette relation engendre. Cet état d’esprit sera à l’origine de postures, de comportements et finalement d’actions qui vont créer à nouveau des relations, qui seront vécues comme des événements particuliers et isolés. Ces événements vont ensuite eux-mêmes confirmer l’état d’esprit négatif qui alimentera encore des comportements inadaptés, sources de mauvaises relations. C’est une logique d’auto-confirmation et d’auto-engendrement. L’origine est lointaine et perdue, les tendances habituelles s’installent durablement et il est très difficile d’en sortir. C’est finalement aussi une loi de cause à effet, comme l’est le principe du Karma.
Encore une fois, les deux approches, traditionnelle et moderne, résonnent entre elles.
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Cette double vision, événement / état d’esprit, nous pouvons l’appliquer à l’ensemble de la carte de naissance et à ses piliers transitoires, quelle que soit la nature des interactions que nous observons – collision, collusion.
Un événement extérieur engendre forcément un état d’esprit intérieur. Mais l’événement trouve peut-être sa source, entièrement ou en partie, dans un comportement lié à un était d’esprit mal orienté ou déséquilibré qui, lui-même, trouve son origine dans une expérience douloureuse ancienne. Et ainsi de suite.
Donc qui ? La poule ou l’œuf ?
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Je trouve cette approche et cette réflexion éminemment intéressantes et utiles en consultation.
Il ne faut pas se prendre pour Madame Soleil en analysant les choses ou en les prévoyant uniquement avec un regard événementiel. Il convient également de ne pas considérer que tout se déclenche à cause d’un état d’esprit inadéquat, en annonçant à notre consultant que tout ce qui lui est arrivé et lui arrivera est de son fait et qu’il en a toute la responsabilité.
Là encore il nous faut faire preuve de subtilité.
La combinaison des événements et de l’état d’esprit est bien le témoin de toute la complexité de la vie et de l’âme humaine. Et de toute la subtilité de l’Astrologie chinoise Ba Zi, l’Art chinois des 8 mots.
Très prochainement, je mettrais en ligne sur ce blog un cas concret pour illustrer cette double approche, avec la carte d’une personne connue.
En attendant, n’hésitez pas à mettre un commentaire, une remarque, à donner votre avis ou à poser des questions.
Commentaires : 2
C’est très pertinent, je trouve, de « relier » l’événementiel à la psychologie de la personne. Cela illustre très bien la phrase de CG Jung : » Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l’extérieur comme un destin. »
Et tellement plus éclairant !
Merci Murielle pour ce commentaire.
Je ne connaissais pas cette phrase de Jung. C’est tout à fait ça effectivement, surtout pour les blessures !